Destruction d’Orléans et création de la ville de Tours

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Les Romains avaient conquis le sud de la Gaule transalpine entre 125 et 118 avant Jésus Christ, pour y créer vers 70 avant Jésus Christ une province romaine. Celle-ci était gérée par le sénat républicain romain, et prendra le nom de Narbonnaise sous l’empereur Auguste, après la conquête du reste de la Gaule par Jules César. Le nom de la Provence provient de cette province romaine.

En 58 avant Jésus Christ, Jules César, proconsul de cette province, profita, de la migration des Helvètes, Gaulois de la Suisse actuelle, poussés à la fuite par les Germains, pour juguler les prétentions germaniques des Alamans et des Belges sur la Gaule, et s’en servir pour asseoir l’autorité de Rome sur le reste des nations gauloises.

Les nations gauloises avant la Guerre des Gaules

Les nations gauloises avant la Guerre des Gaules

Pendant cette conquête, l’actuelle Région Centre Val de Loire, fut considérablement impactée. Les destins des nations gauloises des Carnutes (Chartrains, Orléanais, Blésois…), des Turons (Touraine) et des Bituriges (Berry), furent totalement bouleversés.

La révolte générale de la Gaule en 52 avant Jésus Christ

A la suite d’une première soumission de la Gaule à Jules César, qui s’étala de 58 à 52 avant Jésus Christ, les chefs gaulois se promirent de poursuivre la lutte pour leur libération, et certains Carnutes se révoltèrent et massacrèrent les commerçants romains installés à Cénabum, grande agglomération carnute située à l’emplacement actuel de la ville d’Orléans.

Le massacre de Cénabum (Orléans)

Cet évènement est relaté par dans le livre VII (3) de la Guerre des Gaules de Jules César : « Quand arrive le jour convenu, les Carnutes, entraînés par Cotuatos et Conconnétodumnos, hommes dont on ne pouvait rien attendre que des folies, se jettent, à un signal donné, dans Cénabum, massacrent les citoyens romains qui s’y étaient établis pour faire du commerce, mettent leurs biens au pillage ; parmi eux était Caïus Fufius Cita, honorable chevalier romain, que César avait chargé de l’intendance des vivres. La nouvelle parvient vite à toutes les cités de la Gaule. En effet, quand il arrive quelque chose d’important, quand un grand événement se produit, les Gaulois en clament la nouvelle à travers la campagne dans les différentes directions ; de proche en proche, on la recueille et on la transmet. Ainsi firent-ils alors ; et ce qui s’était passé à Cénabum au lever du jour fut connu avant la fin de la première veille chez les Arvernes, à une distance d’environ cent soixante milles. »

Le pillage et l’incendie de Cénabum (Orléans)

Lors de cette révolte générale de la Gaule conduite par Vercingétorix en 52 avant Jésus Christ, Jules César, de retour en Gaule, fit le siège de Vellaunodunum, ville des Senons, au sud-est de l’actuelle région parisienne, et descendit vers Cénabum, l’actuelle ville d’Orléans, qu’il prit, livra au pillage et brûla. La population de la ville fut presqu’entièrement réduite en esclavage comme butin aux légionnaires vainqueurs.

Cet évènement est relaté par dans le livre VII (11) de la Guerre des Gaules de Jules César : « Ceux-ci (les Carnutes), qui venaient à peine d’apprendre que Vellaunodunum était assiégé, pensant que l’affaire traînerait quelque temps, s’occupaient de rassembler des troupes pour la défense de Cénabum, et se disposaient à les y envoyer. Mais en deux jours César y fut. Il campe devant la ville, et, l’heure avancée lui interdisant de commencer l’attaque, il la remet au lendemain ; il ordonne à ses troupes de faire les préparatifs ordinaires en pareil cas, et, comme il y avait sous les murs de la place un pont qui franchissait la Loire, craignant que les habitants ne prissent la fuite à la faveur de la nuit, il fait veiller deux légions sous les armes. Les gens de Cénabum, peu avant minuit, sortirent en silence de la ville et commencèrent de passer le fleuve. César, averti par ses éclaireurs, introduit, après avoir fait incendier les portes, les deux légions qu’il tenait prêtes, et se rend maître de la place : il s’en fallut d’un bien petit nombre que tous les ennemis ne fussent faits prisonniers, car l’étroitesse du pont et des chemins qui y conduisaient avait bloqué cette multitude en fuite. César pille et brûle la ville, fait don du butin aux soldats, passe la Loire et arrive dans le pays des Bituriges. »

Le massacre des habitants d’Avaricum (Bourges)

Après avoir pillé et détruit la ville de Cénabum (Orléans), Jules César descendit vers le pays des Bituriges et prit au passage, dans ce pays, la ville de Noviodunum dont la localisation reste encore contestée. Cette oppidum gaulois attendait l’aide de Vercingétorix qui faisait, non loin, le siège de Gorgobina (sans doute Sancerre), ville de Boïens, réfugiés helvètes placés en 58 avant Jésus Christ par César en pays biturige, sous la tutelle des Eduens, ses alliés.

Dans le pays des Bituriges, l’actuel Berry, Jules César, fit le siège de leur plus grande et plus belle cité, Avaricum, la ville actuelle de Bourges.

Pendant ce siège Vercingétorix ordonna une politique de « la terre brûlée » (cette désignation est abusive, car il s’agissait d’un hiver froid et que les incendies volontaires ne concernèrent que les bourgs et granges non défendables par les armées gauloises) en pays biturige, où près de vingt villes furent brûlées à cette occasion, mais aussi chez toutes ses nations gauloises alliées voisines.

Lors de la prise de la ville d’Avaricum (Bourges), Jules César y fit massacrer la quasi-totalité de la population, près de 40 000 hommes. 800 seulement en réchappèrent pour se réfugier auprès de Vercingétorix.

Gergovie et Alésia : 52 avant Jésus Christ

Après le siège infructueux de Gergovie, chez les Arvernes, Jules César piégea l’armée de Vercingétorix et les troupes de renfort gauloises à Alésia.

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Cénabum(Orléans), ruinée et occupée et la poursuite des Carnutes

Dans la Gaule presqu’entièrement aux mains des Romains, Jules César, sur la demande des Bituriges qui prétendaient que les Carnutes leur avaient déclaré la guerre, organisa le génocide de cette nation.

« A cette nouvelle, bien qu’il (César) n’eût séjourné que dix-huit jours à Bibracte (capitale des Eduens), il tire de leurs quartiers d’hiver, sur la Saône, les quatorzième et sixième légions, qui avaient été placées là, comme on l’a vu au livre précédent, pour assurer le ravitaillement, et il part ainsi avec deux légions pour aller châtier les Carnutes.

Quand ceux-ci entendent parler de l’approche d’une armée, ils se souviennent des malheurs des autres et, abandonnant leurs villages et leurs villes, où ils habitaient dans d’étroites constructions de fortune qu’ils avaient bâties rapidement pour pouvoir passer l’hiver (car leur récente défaite leur avait coûté un grand nombre de villes), ils s’enfuient dans toutes les directions.

César, ne voulant pas exposer les soldats aux rigueurs de la mauvaise saison qui était alors dans son plein, campe dans la capitale des Carnutes, Cénabum (Orléans), où il entassa ses troupes partie dans les maisons des Gaulois, partie dans les abris qu’on avait formés en jetant rapidement du chaume sur les tentes.

Toutefois, il envoie la cavalerie et l’infanterie auxiliaire partout où l’on disait que l’ennemi s’était retiré ; et non sans succès, car les nôtres rentrent, le plus souvent, chargés de butin.

Les difficultés de l’hiver, la crainte du danger accablaient les Carnutes ; chassés de leurs demeures, ils n’osaient faire nulle part d’arrêt prolongé, et leurs forêts ne les protégeaient pas contre l’extrême violence des intempéries : ils finissent par se disperser chez les peuples du voisinage, non sans avoir perdu une grande partie des leurs.

César… confia ses deux légions à Caïus Trébonius, avec ordre d’hiverner à Cénabum… » (Guerre des Gaules, livre VIII, 4-5-6).

Légions romaines placées en limite de la Touraine à l’hiver 51-50 av. J. C.

Après plusieurs autres campagnes militaires, pour asseoir la pacification de la Gaule révoltée contre l’envahisseur esclavagiste, Jules César plaça deux légions « chez les Turons, à la frontière des Carnutes » pour maintenir dans l’obéissance toute cette région jusqu’à l’Océan, et deux autres légions chez les Lemovices (Limousin), non loin des Arvernes.

Les études historiques précises des communes de Cangey (193 pages), de Limeray (195 pages) et de Pocé-sur-Cisse (196 pages), situées sur cette frontière nous montrent la véracité du récit de Jules César sur la présence de ces légions en Touraine (lire cet article) et en Limousin.

Qu’est devenue la nation des Carnutes ?

A la suite du verrouillage de cette frontière, le pays des Carnutes, surtout la Beauce convoitée pour son blé, sera colonisé avec une centuriation, c’est-à-dire la cadastration et la distribution de la terre en carré aux vétérans de l’armée (lire cet article).

L’ancienne capitale carnute, Génabum (Orléans), resta en sommeil jusqu’à sa refondation par l’empereur Aurélien vers 270 après Jésus Christ. Cette destruction de la grande ville gauloise fut, sans doute, décidée au profit du commerce vers Rome et fut sans doute à l’origine de la fondation de la ville de Tours, Caesarodunum (lire cet article).

La géographie humaine de la Gaule s’en est trouvée bouleversée et la nation des Carnutes disparut totalement des mémoires pour ne laisser comme traces que les récits de Jules César dans ces Commentaires sur la Guerre des Gaules.

Navigation sur la Loire ou sur le Cher ?

La Loire est un fleuve qui monte vers le nord pour atteindre Orléans. Remonter vers cette ville devenait inutile et dispendieux pour l’Empire romain naissant réorganisé par l’empereur Auguste, après la mort de Jules César et la guerre civile qui en suivit. De plus, la Loire est un fleuve difficilement navigable et aménageable.

Pour les denrées provenant de l’Ouest, la navigation sur le Cher fut privilégiée (lire cet article). La ville de Bourges, vidée intentionnellement de sa population gauloise devint un relais marchand militaire romain, un débouché du Nord-Ouest de la Gaule, vers Moulins, Lyon (colonie romaine nouvellement fondée juste après la mort de Jules César), puis Arles et enfin Rome.

Réorganisation commerciale pour l'Empire romain naissant

Réorganisation commerciale pour l’Empire romain naissant

La romanisation de la Touraine

La Touraine fut à son tour romanisée, par appât du gain de l’aristocratie gauloise : vente d’esclaves locaux ou des nations voisines, vente de denrées, paiements des tributs, implantation de nouvelles cultures, naissance de la viticulture avec de nouveaux cultes, comme celui de Saturne et de Janus (lire cet article), implantation de cultes liés à la protection du commerce comme à Larçay (lire cet article).

La fondation de la ville de Tours : Caesarodunum

Le récit de Jules César n’indique pas de ville majeure en Touraine, comme Génabum dans le pays des Carnutes ou Avaricum dans le pays des Bituriges. Il ne semble pas que la Touraine ait été structurée autour d’une agglomération importante. Cela ne semble d’ailleurs pas une données de géographie humaine de l’époque gauloise où il semble apparaître que c’est le monde rurale qui structure la ville et non le contraire. Tours est donc une ville neuve gallo-romaine.

Le premier nom de la ville de Tours fut celui de son fondateur : Caesarodunum, forteresse de César, nom qui devint synonyme d’empereur (Kaiser, tzar…). Caesarodunum est un nom gallo-romain typique de la conquête romaine et de la romanisation (lire cet article).

Dans la personne de César, il faut penser César Auguste, le dieu romain, l’héritier de Jules César. Beaucoup de villes fortifiées gauloises ont été mises à bas par Auguste, même de petits bourgs, dont le principe organisationnel était de privilégier les livraisons en bas et la remontée à vide, ce qui est intelligent et économise les bêtes de somme, les charrois et les attelages.

A Tours, le principe est de descendre dans la vallée de la Loire pour remonter doucement par la vallée du Cher, vers Rome, ou par la Loire, vers la frontière à défendre contre la barbarie germanique.

Tours, une ville au service de l’Empire

Tours apparaît donc uniquement comme une vocation commerciale au service de l’Empire romain, et comme un lieu de chargement et de déchargement des marchandises provenant du Nord et de l’Ouest, ce que l’on appelle un lieu de rupture de charge.

La navigation sur le Cher n’était pas possible au sud de cette ville où le Cher n’était qu’un vaste marais qu’il fallut aménager. Le transit de marchandises semble se faire à l’époque romaine, par le Vieux Cher, au démarrage de la confluence avec l’Indre, près de Lignières de Touraine, car la Loire est un fleuve très capricieux et imprévisible.

D’ailleurs l’eau potable de la ville de Caesarodunum provenait d’aqueducs, dont celui de Fontenay dont la source se trouve au bord du Cher à l’ouest de Bléré. Cela illustre la qualité de l’eau dans les marais entourant cet important chef-lieu de l’Empire esclavagiste romain.

Tours existe donc, grâce à la destruction de l’ancienne ville gauloise d’Orléans, Cénabum, et à la disparition des Carnutes. Localement, elle existe aussi à cause des marais de la fin du cours du Cher, de la navigation sur la Loire provenant de l’Anjou et des routes provenant du Nord. C’est un lieu facile à décharger, car plat. En géographie humaine, une telle installation portuaire et routière s’appelle un lieu de rupture de charges.

Comme à Rome, les marchandises y étaient conduites à un autre port, sans doute proche de Larçay, sur le Cher, pour y être menées par voie fluviale, aménagée par des barrages, jusqu’à Thésée-la-Romaine, près de Saint-Aignan, frontière avec le pays des Bituriges, également soumis à l’autorité romaine (lire cet article).

Les anciennes frontières gauloises dans l’Empire romain

Les anciennes frontières gauloises furent conservées sous l’Empire romain pour éventuellement réveiller parfois quelques vieilles querelles intestines locales afin de continuer à se débarrasser de la population gauloise. Ces anciennes frontières de l’Empire fonderont les diocèses, circonscriptions de l’Eglise catholique et romaine, héritières de l’évolution du droit romain et de la civilisation gallo-romaine.

Pour aller plus loin, je vous propose ces quelques études :
L’histoire de Cangey par ses noms de lieux.
L’histoire de Limeray par ses noms de lieux.
L’histoire de Pocé-sur-Cisse par ses noms de lieux.
Larçay, l’église Saint-Symphorien.

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