Extrait du livret : Osez l’Histoire à Nouzilly par ses noms de lieux.
Les Fossés César
Bien connus des archéologues les Fossés César se présentent parfois comme de très profonds fossés, ayant près de 4 mètres de profondeur par endroit, souvent extrêmement bien préservés, parfois en partie comblés par un chemin ou par des remblais. Les randonneurs peuvent les découvrir du nord du Clos, par le chemin menant à Champ Bourreau, chemin qu’il faut quitter à mi-chemin pour se diriger par la campagne vers la Guinauderie.
Les Fossés César au nord du lotissement de la Loge
entre le nord du Clos et la Guinauderie
De la Guinauderie, les Fossés César peuvent être ensuite suivi de manière rectiligne, par la chaussée de l’étang de Charentais, en passant par la Grenaudière, par les Bas Fossés, jusqu’auprès de la Chênerie et du coteau de la Petite Choisille près de Longueville.
Les Fossés César entre les Bas Fossés et
le coude du chemin menant à la Chênerie
Le talus intérieur des Fossés César avant le coteau de la Petite Choisille
Ces fossés forment un angle au lieu-dit du Clos, se prolongent jusqu’au Carroi de la Croix Blanche et jusqu’à la Simonière.
La référence à César ou à un camp romain est aussi visible dans le bourg, avec l’avenue du Camp Romain et l’impasse César, noms très récents.
Il est à noter que le centre du bourg, et l’église sont installés sur un promontoire, un éperon quadrangulaire. Le coteau qui surplombe le lac est assez rectiligne pour faire penser à un aménagement humain, une sorte de rempart naturel taillé de la roche calcaire de ce coteau. Le lac a été créé en 1964 remplaçant un grand marais défensif.
Le coteau de calcaire du sud-est du bourg, auprès du Lac
Des fossés ont également été signalés par les archéologues dans la propriété du château à Gué Chapelle.
Le pourtour ouest et sud de ce camp est limité par les coteaux de la Petite Choisille.
Datation de ces aménagements romains
…
Le terme César peut désigner Jules César, proconsul de la Gaule transalpine, qui envahit et soumit les nations gauloises indépendantes entre 58 et 52 avant Jésus Christ. Dans ce cas, il s’agirait d’un camp de légionnaires romains placé pour ses quartiers d’hiver, soit en 57-56 avant Jésus Christ, soit après la bataille d’Alésia, après 52 avant Jésus Christ. Cependant, le récit de la Guerre des Gaules par Jules César lui-même, la configuration des lieux et l’agencement des fossés, ainsi que leur excellente conservation semblent appeler une autre conclusion.
Tracés des Fossés César sur environ 6 km
L’enceinte totale avec les coteaux de la Petite Choisille
représente environ 12 km
César peut désigner aussi le premier empereur, Auguste, ou l’empereur en général. Il s’agirait alors d’un aménagement postérieur à la Guerre des Gaules, ce que nous pensons. C’est l’étude du terrain et ce sont les toponymes qui vont nous faire approcher de la solution.
Les fossés sont parfois très bien conservés, bien mieux conservés que des fossés de frontières gallo-romaines, notamment ceux de Restigné, de Cangé, de Fleuray, etc. Il semble donc que cet aménagement ait été entretenu pendant une partie du Moyen Age. Il ne semble pas s’agir d’un aménagement de protection de la ville de Tours. La structure semble être conçue pour elle-même.
Si elle est une structure de protection de la ville de Tours, il s’agit d’un appât, d’un piège, pour esprits vénales.
En effet, Nouzilly se situe « perdu » dans des bois qui sont, comme le Bois du Mortier ou le bois de Nouzilly, situés sur de bonnes terres agricoles de limon des plateaux. Ces bois semblent appartenir à un dispositif défensif plus étendu que le camp lui-même.
La commune est entourée par d’anciennes voies romaines, formant approximativement un quadrilatère irrégulier. La grande voie romaine qui passe à Saint-Laurent-en-Gâtine et à Beaumont-la-Ronce, fait un angle au nord de Nouzilly comme pour s’éloigner de ce lieu. Les deux anciennes voies romaines, presque parallèles, qui relient Saint-Laurent-en-Gâtine à Monnaie, et Beaumont-la-Ronce à Roiville (Cerelles) et Langennerie (Chanceaux-sur-Choisille) sont séparées d’une distance d’environ 5 miles romains.
Les voies romaines ont été mis en place dans la Gaule conquise par Agrippa sur les ordres de l’empereur Auguste vers 27 avant Jésus Christ. L’aménagement et la « déviation » au nord de Nouzilly, semble donc dater du Ier siècle avant Jésus Christ ou du Ier siècle après Jésus Christ. La structure semble dater de cette période de réaménagement et d’exploitation de la Gaule au profit de Rome, après la conquête.
Les forêts, préservées par le droit médiéval catholique romain et par le droit seigneurial franc, conserve des spécificités propres à l’aménagement des voies et de l’enceinte du camp romain de Nouzilly. Le nord de la commune de Nouzilly, en direction de Saint-Laurent-en-Gâtine, forme une pointe boisé, comme c’est le cas au nord-est de Beaumont-la-Ronce de part et d’autre de l’ancienne voie romaine.
Il semble également qu’une « marche », un espace déboisé aménagé intentionnellement pour laisser une zone découverte, où la visibilité permet une anticipation militaire partant du camp de Nouzilly. Cette marche est représentée sur la carte précédente par un gros pointillé. Cette marche est parfois entrecoupée de haies de défense, qui ont laissé les toponymes de la Haie à l’ouest et des Haies au sud, et de fossés dans les bois. Auprès des Haies, au sud, on trouve des plessis, c’est-à-dire des évocations de clôtures végétales : les Plessis l’Ormeau, le Plessis Rose, le Plessis Rouère.
Des toponymes qui paraissent d’origine romaine nous indiquent des aménagements d’entrée ou de sortie de ce camp : l’Arche et le Carroi (charroi) au sud de la commune, la Provinière (pour pourvoir, prévoir ou voir de loin ; le lieu porte aussi le nom de Povinière “vignobles hauts”) à l’Est, l’Arche et la Maison Rouge (sur Monnaie)…
Quelle pouvait être cette structure ?
Des scories de métallurgie du fer ont été trouvées sur l’étendue de la commune. La roche sous-jacente, rouge, ferrugineuse, est mentionnée par certains toponymes (Rouziers, Bois Rougeolles, etc.). Cela est assez commun et n’explique peut-être qu’une industrie secondaire, ou une industrie servant une autre activité minière bien plus lucrative et requérant un dispositif défensif exceptionnel.
L’ampleur du dispositif de défense, trouve sans doute son explication par quelques toponymes gallo-romains. La commune voisine de Monnaie évoque, non la métallurgie du fer, mais plutôt celle de l’or ou de l’argent. Nous pencherons pour notre part pour la présence d’une ancienne mine d’or en ces lieux. Le toponyme La Mine d’Or, sur la commune de Saint-Laurent-en-Gâtine, au nord-est de la commune de Nouzilly, évoque l’activité d’orpailleurs. Les énormes travaux de terrassements, notamment pour maîtriser l’eau, font aussi penser à des travaux d’orpailleurs.
L’Orfrasière
Le toponyme de l’Orfrasière, qui désigne aujourd’hui un château et un ruisseau, paraît gallo-romain. Il fait référence à l’or, aureus latin, et au verbe latin fraxo, fraxare, qui signifie faire le guet, surveiller. Le toponyme peut ainsi signifier « faire le guet sur l’or ». L’élément « frasière », pourrait aussi faire référence à la racine «fractus, fractio » qui évoque l’action de briser. Le terme «fractaria » désigne le marteau du mineur.
La Tintonnière
Le lieu-dit voisin de la Tintonnière fait aussi appel à la frappe d’un son métallique. C’est aussi un toponyme d’origine gallo-romaine provenant du latin tinnitus, le tintement d’un son clair et aigu, métallique.
Champ Bourreau, curieux nom gallo-romain ?
La ferme de Champ Bourreau est située au nord-est du bourg de Nouzilly, exactement dans l’angle du camp romain limité par les Fossés César. Elle se trouve tout près de la source qui limite le bourg à l’est et qui alimente le Lac de la base de loisirs, ancien marais.
Le terme Bourreau peut avoir plusieurs origines. Il pourrait désigner un bourreau, exécuteur des hautes œuvres, ou un bourot, mot d’ancien français désignant un canard ou un petit canard. Il peut aussi faire référence à la bourre, la laine et donc à l’élevage de moutons, activité prouvée sur l’ancienne paroisse par d’autres noms de lieux (Bourraserie, Bourlerie…).
Nous pensons qu’il est nécessaire d’aller plus loin et de voir en Champ, peut-être le latin campus, et l’évocation du camp romain enserré dans les Fossés César.
Bourreau s’entend aussi Bourot, qui a une origine plus ancienne que médiévale. Ce nom pourrait provenir du terme gaulois boruo, qui désigne une source boueuse. Boruo était le surnom de l’Apollon gaulois, dieu des purifications et de la guérison. Associé à l’eau, il était le dieu des sources chaudes, dieu des eaux souterraines. Nous avons là l’hypothèse séduisante d’un terroir de sources boueuses, sans doute sacrées dédiées au dieu des eaux souterraines.
Dans ce cas, curieusement, le nom semble s’appliquer à l’ensemble du terroir des environs de Nouzilly et du camp romain.
Il existe un autre Bourot en Indre-et-Loire, sur la commune de Neuillé-le-Lierre (Indre-et-Loire), où une source creuse le coteau de la Brenne en cet endroit particulier et où un château y fut construit. Il s’agit sans doute d’un toponyme de la même origine gauloise.
Sur la commune de Cangé (Indre-et-Loire), il existe le Grand Bourot et le Petit Bourot qui désignent une zone de sources boueuses présentant la même configuration qu’ici.
Boruo est à l’origine d’une multitude de toponymes parmi lesquels nous trouvons les Bourot, Bourrot, Bourou, Bourrou, Bouron, Bourron, Bourbon, Bourbonne, Boulbon, Bormes, Brouard, Brou, etc. Les termes français bourbe, bourbier, bourbeux, ont cette origine, tout comme les verbes bouillir et bouillonner.
Si on retient cette hypothèse, il faut donc voir dans le toponyme de Champ Bourreau, campus borvo, le camp de l’Apollon gaulois, dieu des purifications et des guérisons, mais aussi dieu des sources et du monde souterrain. Avec ce sens, ce toponyme s’applique à tout le terroir de la commune actuelle.
Charentais, un double sens
Ce toponyme peut faire penser à un Charentais, mais cela est invraisemblable. Il faut plutôt y voir la racine latine carus, cara, carum, cher, aimé, précieux, ou caries, la pourriture, la rancissure, ou careo, carere, être exempt, libre de, privé de, se tenir éloigné, sentir le manque. S’il signifie « cher, aimé » ce terme est aussi gaulois, caros. Cette racine est complétée par un suffixe pré-latin gaulois, –anta, -enta, qui a la même racine que le gauloise onna, le cours d’eau, ou du suffixe –ona. L’association des deux racines donne « l’eau aimé », « le cher cours d’eau ». Avec ce sens, il semble lié au toponyme du Champ Bourreau.
Une autre piste est possible avec la gaulois anto qui désigne une limite, une borne. Il existe en ce lieu une pierre dressée qui s’apparente à un menhir. L’endroit est ponctué aujourd’hui d’un calvaire. Dans ce cas la racine car, de char, viendrait du gaulois carros, et du latin carrus, le chariot.
Les deux sens « précieux cours d’eau » et « borne de char » peuvent être associés car ils correspondent tous les deux à la configuration des lieux, auprès d’un ruisseau qui alimente le bourg et sur une ancienne voie romaine menant à Saint-Laurent-en-Gâtine.
La Choisille, la Petite Choisille
D’après les toponymistes, ce nom serait en rapport avec un diminutif du latin caucellus, un vase à boire, une coupe, et serait en rapport avec les nombreux étangs qui ponctuent, grâce à leur digue de retenue, les chaussées, ces petits cours d’eau qui portent ici le même nom. La configuration géomorphologique de la Choisille et des Petite Choisille, ressemble à une coupe.
Une géologie particulière
Le bourg de Nouzilly se situe géologiquement sur un anticlinal, c’est-à-dire que les couches géologiques forment en cet endroit, sur l’éperon du bourg, une bosse. Des couches géologiques plus anciennes ont donc été remontées et se trouvent donc en affleurement. C’est peut-être la raison de la présence d’une mine ou de mines importantes en ces lieux.
Schéma d’un anticlinal
Une christianisation particulière : saint André
Il est fréquent de voir, pour la fin de l’Antiquité romaine, dans le choix d’un culte chrétien à un saint, dans un lieu particulier, un rapport avec un culte gallo-romain plus ancien ou avec une caractéristique propre du lieu.
Ainsi les églises Saint-Saturnin font référence à un culte plus ancien à Saturne et à la présence de viticulture. Les églises Saint-Pierre font parfois référence à la présence d’une pierre sacrée comme un ancien menhir ou à la présence de ruines en pierres. Les églises Saint-Laurent, comme celle de Saint-Laurent-en-Gâtines, font référence à la présence d’incendies, ici ceux fréquents de la paroisse de Nouzilly. L’ancienne chapelle Sainte-Agathe du bourg de Nouzilly apparaît aussi comme une protection contre les incendies. Le rapport est souvent d’ordre phonétique, par exemple Saint-Pantaléon de Saint-Plantaire.
A Nouzilly, l’église du bourg porte le vocable de saint André, frère de saint Pierre et premier Apôtre à connaître et à suivre Jésus Christ à la suite du baptême par saint Jean Baptiste. Il fut l’Apôtre de la Mer Noire et mourut crucifié sous l’empereur Néron, sur une croix en forme de X qui porte son nom. André provient du grec andreas, signifiant « viril » et a été transmis par le latin.
C’est un nom de rappel des tortures et des crimes commis sur les esclaves de l’Empire romain. Ce choix n’est sans doute pas sans relation avec le camp romain de Nouzilly.
Ce qui est intéressant dans ce nom André, c’est qu’il signifie phonétiquement « fossé ». En effet, la racine and est connu en gaulois et en gallo-romain pour signifier « en-dessous, en bas, inférieur ». On la retrouve dans le peuple des Andes (Anjou en gaulois). Le second terme « ré » désignant une raie, terme que l’on trouve dans la toponymie pour désigner un fossé défensif, une limite, un seuil, comme dans les Limeray, bref, un travail de terrassement en profondeur.
Une enquête sur les autres églises Saint-André de la région pourrait sans doute renforcer cette hypothèse.
Cette découverte est un extrait du livret :
Osez l’Histoire à Nouzilly par ses noms de lieux.
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