Frontières antiques : approche du culte de saint Etienne (2)

Le culte de saint Etienne, diacre et premier martyr de l’Eglise chrétienne, est un des plus instructifs sur l’Antiquité tardive de notre pays et de la Région Centre.

Les informations qu’un historien peut tirer de son existence sur le territoire français et pour bâtir et enrichir l’Histoire de la Région Centre sont étonnantes, parfois terrifiantes, voire incroyables.

Les noms de lieux, les toponymes, Saint-Etienne, sont une source historique bien plus complexe que ce que l’on pourrait imaginer au départ. Ce nouvel article, le précédent, et les suivants en font la preuve.

Les quelques remarques, associées de liens, de ce présent article, ne sont que quelques constats en rapport avec l’implantation du culte de saint Etienne à la fin de l’Antiquité gallo-romaine et au début du Haut Moyen Age. Cet article est le second de la série.

Chacun peut aller beaucoup plus loin.

Un culte ancien attesté par les chartes du milieu du Moyen Age

Le culte de saint Etienne remonte aux origines du christianisme. Mais en France, terre qui accueillit des Chrétiens dès le Ier siècle de notre ère, quand a-t-il pu s’implanter officiellement ?

Des édifices cultuels dédiés à saint Etienne sont mentionnés dans les chartes des rois des Francs, concernant des sièges des anciennes cités romaines de la Gaule, comme Angers, Auxerre, Bourges, Chalons-sur-Marne, Limoges, Lyon, Mâcon, Metz, Noyon, Paris, Sens, Toul, Toulouse, Tours.

De tels mentions existent aussi au milieu du Moyen Age pour d’autres villes dont l’antiquité romaine n’est pas contestée, comme Beaune, Dijon, Melun…

La plupart de ces lieux de culte existaient déjà à l’époque mérovingienne. Ainsi, on sait que la cathédrale de Bourges, aujourd’hui de style gothique, dont l’archevêque était primat d’Aquitaine, fut le lieu d’un culte à saint Etienne dès la fin du IIIe siècle et au début du IVe siècle.

L'église cathédrale Saint-Etienne de Bourges (Cher)

L’église cathédrale Saint-Etienne de Bourges (Cher)

L’église cathédrale du primat d’Aquitaine Saint-Etienne de Bourges (Cher)

Photo Nicolas Huron

Qu’en était-il des autres lieux de culte placés sous le vocable de saint Etienne ?

L’église Saint-Etienne de Huisseau-sur-Cosson (Loir-et-Cher ; 41)

L’église Saint-Etienne de Huisseau-sur-Cosson (Loir-et-Cher ; 41)

L’église Saint-Etienne de Huisseau-sur-Cosson (Loir-et-Cher ; 41)

Photo Nicolas Huron

L’église Saint-Etienne de Pierrefitte-sur-Sauldre (Loir-et-Cher ; 41)

L’église Saint-Etienne de Pierrefitte-sur-Sauldre (Loir-et-Cher ; 41)

L’église Saint-Etienne de Pierrefitte-sur-Sauldre (Loir-et-Cher ; 41)

Photo Nicolas Huron

L’église Saint-Etienne d’Epeigné-sur-Dême (Indre-et-Loire ; 37)

L’église Saint-Etienne d’Epeigné-sur-Dême (Indre-et-Loire ; 37)

L’église Saint-Etienne d’Epeigné-sur-Dême (Indre-et-Loire ; 37)

Photo Nicolas Huron

Peut-on établir un point de vue générale sur l’ancienneté du culte de saint Etienne dans la Région Centre et en France ? Serait-il possible qu’il remonterait à Constantin Ier et à la christianisation de l’Empire romain ? La réponse est oui.

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Renforcement de l’autorité romaine et souvenirs d’une justice inique

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Le culte de saint Etienne, diacre et premier martyr, date des débuts de l’ère chrétienne, au commencement de l’Empire romain. Les Chrétiens, ayant été persécutés les premiers siècles de notre ère, et encore à présent, étaient devenus très influents au IIIe siècle.

L’Empire romain devint alors lui-même, par un fait accompli et par tolérance, chrétien. La conversion chrétienne de l’empereur Constantin Ier, par la bataille du Pont Milvius le 28 octobre 312, amena l’Edit de Milan, édit de tolérance d’avril 313.

Puis, au début du IVe siècle, l’Empire romain devint officiellement chrétien, instaurant ou officialisant, entre autres, le culte de saint Etienne dans l’Empire, donc en Gaule, et donc en Région Centre.

Le culte de Saint-Etienne évoque, encore aujourd’hui, une justice inique, voire mafieuse, indépendante de l’autorité romaine de l’Empire devenu « officiellement » chrétien catholique romain. Ce rappel des abus des représentants locaux de l’autorité romaine, par l’institution et le marquage dans le paysage du culte de saint Etienne, reste souvent un marqueur géographique des lieux concernés, comme pour les Saint-Cyr, Saint-Gourgon, Saint-Laurent, etc.

La répartition cartographique des églises, et des chapelles dont nous avons pu trouver la trace, placées sous le vocable de Saint-Etienne et des toponymes associés (voir les cartes), nous suggère une distance d’intervention de l’autorité, comme des sortes de relais ou des points de surveillance, qui semblent, pour beaucoup, s’être rajoutés à des points fortifiés déjà en place.

On a le sentiment d’y percevoir un renforcement de l’autorité impériale romaine, devenue chrétienne du début du IVe siècle, et voulant ainsi se rendre supportable à la population laborieuse persécutée entre autres par les invasions meurtrières des barbares germains, mais aussi par les abus des autorités locales.

L’autorité impériale, incarnée par Constantin Ier, essaya, sans aucun doute, de recoller cette population esclave laborieuse aux esclavagistes bourgeois ayant droit de cité probablement complices pour une bonne part aux dites invasions qui permettaient notamment le commerce des esclaves réprouvé par la religion chrétienne.

La moralisation de l’Empire romain, par sa christianisation, entraîna sans doute au départ un durcissement mafieux des abus des autorités locales à l’encontre de la population et à l’encontre de l’Empereur , devenu chrétien, chargé de la défense de l’Empire, notamment du côté du limes de la Belgique actuelle, de Trèves, ville choisie comme point de résistance par Constantin Ier, et des quelques régions romanisées de l’Allemagne actuelle, et des rives ouest du Rhin, via Strasbourg.

On peut comparer ce phénomène de la christianisation de l’Empire romain à la fin du IIIe siècle et au début du IVe siècle, à la Renaissance culturelle carolingienne, sous la royauté de Charlemagne, avec des centres d’autorité militaire, comtale ou ducale, d’origine romaine, et le rajout par le roi des Francs des missi Dominici pour en limiter les abus ou les complicités avec les barbares saxons, hongrois, normands ou musulmans qui dévastaient le pays à l’époque. L’Eglise catholique romaine, héritière confortable de l’Empire romain, avec ses évêques urbains, était totalement incapable de mener campagne et d’y faire face, voire était complice du commerce d’esclaves encore couramment pratiqué sous les Carolingiens.

Comme Constantin Ier choisit Trèves pour faire face aux barbares germains, Charlemagne, roi des Francs, choisit Aix-la-Chapelle pour faire de même.

L’effondrement total de l’Empire carolingien au milieu du IXe siècle, après la mort de Charlemagne, entraînera la féodalisation complète de la société, avec toutes les dérives de son caractère mafieux, et l’obligatoire reconquête par l’autorité ecclésiastique catholique romaine de ses biens à partir de la fin du XIe siècle, et par l’autorité royale chrétienne à partir de la fin du XIIe siècle.

Vis à vis de l’évolution de l’Empire romain, le même phénomène se produisit avec le règne de Constantin Ier, jusqu’à aboutir aux grandes invasions du début du Ve siècle et à la disparition presque complète de la matérialisation de la société esclavagiste romaine de l’Empire romain d’Occident, nommée ici gallo-romaine, puis à l’intervention du seul front qui avait tenu face aux Germains, celui des auxiliaires romains francs saliens commandés par Clovis, qui devint par son baptême héritier de la puissance romaine, et cela avec le soutien de la majorité de la population laborieuse, voire même bourgeoise, locale, comme l’a attesté Grégoire de Tours, évêque de Tours à la fin du VIe siècle, dans sa fameuse Histoire des Francs.

Rappelons ici, que Clovis était, par son élection par ses troupes, le chef de guerre d’une etnie germanique convertie de longue date à la religion romaine, à la tête des auxiliaires francs saliens vivant à la frontière faisant face à la Germanie. Ce premier roi des Francs fut élu par ses troupes comme beaucoup d’empereurs le furent par leurs légions. Il est à considérer comme faisant partie de l’Empire romain, lorsqu’il donna, pour son compte, le coup de grâce au denier « roi » des Romains, Syagrius, abandonné de Rome et devenu indépendant de fait, qui avait autorité à l’époque, notamment sur le nord de la Loire de la Région Centre, la Normandie (qui ne portait pas encore ce nom) et sur la région parisienne.

Au regard des cartes, on s’aperçoit même que les lieux de culte placés sous le vocable de Saint-Etienne et les toponymes Saint-Etienne apparaissent souvent comme des lieux de surveillance de surveillants de frontières ou de routes, ou de souvenirs d’abus mafieux de l’autorité locale, par leur petit décalage vis à vis d’une autorité déjà établie et marquée dans le paysage. Ils sont les marqueurs de décisions ayant apporté un renouveau d’un siècle à l’Empire romain, devenu lors de ce IVe siècle l’Eglise chrétienne catholique romaine, ou bien les traces des plus abominables abus.

Pour comprendre, il faut penser qu’une autorité « légitime », généralement de classe équestre, issue de sénateurs ou de chevaliers romains, blindée et protégée, soit par son statut, soit par ses complicités militaires ou relationnelles, soit par une position géographique et financière avantageuse, laissera les loups et les criminelles tuer et proliférer aux alentours pour obtenir sa justification et pour la conserver. Le loup ou le nomade criminel, par son immense rayon d’action, est un prédateur des grandes plaines enneigées ou non d’Asie centrale, voir de Germanie, non du territoire aujourd’hui nommé français, territoire bien trop exigu pour lui.

En Mésopotamie et au Moyen Orient, le roi se montrait chassant le lion, mais… point trop n’en faut derrière les remparts de Babylone… qu’un roi ne bâtit pas, ni ne nourrit. Donc, au final, la vie hors sol apparaît, avec sa nourriture avariée, les parasites, l’insalubrité, les famines et son commerce d’épicerie, ses conflits, les prostitutions, les pestes, les empoisonnements, les incompréhensions, l’inintelligence, les corruptions, les dépravations, les sacrifices humains, le cannibalisme, les guerres, le désert et les ruines, jusqu’à ce que ces abominations soient instruites dans les gênes…

Exemples avec l’ancien diocèse de Tours

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Villeloin-Coulangé (37), non loin du point fort de Montrésor, dans le diocèse de Tours, dans le coin est de frontière avec le diocèse de Bourges.

Betz-le-Château (37), non loin des points forts du Grand-Pressigny et de Preuilly-sur-Claise, au sud du diocèse de Tours, non loin de la frontière avec les diocèses de Bourges et de Poitiers.

Reignac-sur-Indre (37), situé avant le point fort de Loches, à mi-distance entre Tours, chef-lieu de cité et donc de diocèse, sur une bifurcation menant à d’une part vers Villeloin-Coulangé et d’autres part vers Betz-le-Château, en évitant Loches.

Chinon (37), dans le diocèse de Tours, non loin de la frontière du diocèse de Poitiers et du diocèse d’Angers, en marge de la ville, à l’est, en contrebas, sur le chemin menant à la forteresse dominant de cette ville.

Villandry (37), à la confluence du Cher et de la Loire, entre Tours et la frontière avec l’Anjou, frontière formant un coude à la confluence de l’Indre et de la Loire, coude se situant entre Villandry et Chinon.

Saint-Etienne-de-Chigny (37), avant le point fort de Langeais, entre Cinq-Mars-la-Pile et le point fort de Luynes, à mi-chemin entre Tours et la frontière avec l’Anjou, sur les hauteurs de la rive nord de la Loire.

Lussault-sur-Loire (37), avant le point fort d’Amboise, entre Tours et la frontière avec le diocèse de Chartres, au bout de la forêt d’Amboise.

Lalleu (37), dans l’ancien diocèse de Tours, au-dessus du point fort de Montrichard, dans une sorte d’ergot de frontière, pointant près de Pontlevoy, péage de l’ancien diocèse de Chartres.

Nous pouvons aussi signaler les points forts des trois frontières des anciens diocèses d’Angers, de Chartres et de Tours, avec :

Epeigné-sur-Dême (37), dans l’ancien diocèse d’Angers, en frontière avec l’ancien diocèse de Tours, non loin de l’avancée des mines de fer du diocèse de Chartres, et non loin des points forts de Château-du-Loir et de la Chartre-sur-le-Loir.

Monthodon (37), au sein des anciennes mines de fer de l’ancien diocèse de Chartres, en limite avec les diocèses de Tours et d’Angers, non loin du point fort de Château-Renault.

Saint-Etienne-des-Guérets (37), dans l’ancien diocèse de Tours, juste en frontière avec l’ancien diocèse de Chartres, non loin du point fort de Château-Renault et près de la frontière marquée notamment par Françay et Herbault. Il est à noter que ce toponyme semble une très ancienne expression gallo-romaine, voire gauloise, voire plus ancienne encore ayant précédée l’instauration de ce culte (voir article précédent) et qui explique assez bien l’évolution phonétique de Sanctus Stephanus en Saint-Etienne.

Exemples avec l’ancien diocèse de Chartres

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– Les églises de surveillance de la Seine, renforçant un dispositif plus large, telle que Mantes-la-Jolie, Aulnay-sur-Mauldre, et Vernouillet, dans les Yvelines (78) (et voir aussi sur la carte de France, les trois communes portant le nom Saint-Etienne, en aval sur la Seine). Deux sont en rapport avec les aulnes (aulnay et “verne” en gaulois), bois imputrescible, qui nous rappelle les incorruptibles. Mantes rappelle, entre autres, l’insecte femelle qui mange le mâle pendant la reproduction, mais aussi Jules César et des geôles. Autant de rappels d’esprit chrétien… auquel on peut ajouter Mulcent évoquant le sang de la mule, animal hybride, bâtard, souvent infertile, produit d’une jument et d’un âne, évocation d’ébats épicuriens adultérins, voire zoophiles, voire pires… Minos !

– Les trois sites d’Epeautrolles, de Meslay-le-Vidame et du Gault-Saint-Denis (Eure-et-Loir ; 28), situés non loin des routes entre le point fort de Châteaudun et celui de Chartres, près de la grande voie reliant Paris à Tours. On peut ajouter Angervilliers (Essonne ; 91), sur la frontière entre l’ancien diocèse de Chartres et la région parisienne. et Garancières et Francourville (Eure-et-Loir ; 28), près d’une autre voie reliant Paris à Tours.

– Entre deux grandes voies menant à Chartres, on trouve La Burgondière, sur la commune du Mesnil-Thomas, et Villiers-le-Morhiers, sur l’Eure, et aux abords de Chartres, Bailleau-L’Evêque et Poisvilliers.

– Les trois églises de Huisseau-sur-Cosson (étude par ses noms de lieux), Tour-en-Sologne et Cheverny (Loir-et-Cher ; 41), situées entre le Blésois et la Sologne (région probablement encore insalubre et en partie sauvage), églises situées dans l’ancien diocèse de Chartres sur la frontière du diocèse d’Orléans, diocèse créé tardivement au IIIe siècle, après la refondation de cette ville par l’Empereur Aurélien, fondation indiquant un renversement des préocupations de défense de l’Empire pour faire face aux Germains. L’établissement de ces trois églises, en tant qu’autorité catholique romaine, semble être associé à l’établissement de cette nouvelle frontière qui coupa le diocèse de Chartres en deux. On peut donc datée celle-ci du IIIe siècle et ces églises Saint-Etienne, souvenirs de l’iniquité des autorités locales, peut-être du début du IVe siècle ou du courant du IVe siècle. Ces églises ne sont sans doute pas des implantations du  Ve siècle qui reste le siècle des grandes invasions barbares et des grandes destructions de l’Empire romain d’Occident.

Onzain (Loir-et-Cher ; 41), près de la Loire, auprès de la zone forestière de Blémars et de Blois, poste d’observation de la frontière au nord de la Loire entre la Touraine et le Chartrain.

Exemples avec l’ancien diocèse d’Orléans

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– Les cinq églises de Barmainville, Le Puiset, Janville (Eure-et-Loir ; 28), Tivernon (Loiret ; 45),  et Faronville (sur Outarville ; Loiret ; 45), en frontière des trois diocèses de Chartres, d’Orléans et de Sens, auprès du très important embranchement routier où se croisaient les grandes voies romaines de Chartres à Orléans et de Paris à Orléans, ville créée, non pour le ravitaillement de Rome mais sans doute pour celui du limes romain pour faire face aux incursions germaniques. Avec Le Puiset et Janville, on perçoit bien la volonté d’une surveillance un peu à l’écart, avant Artenay le grand embranchement précédant Orléans, mais surtout une orientation des péages de contrôle vers la direction de l’Est germanique.

Chambon-la-Forêt (Loiret ; 45), dans l’ancien diocèse de Sens, sur une avancée de sa frontière avant l’ancien diocèse d’Orléans, à l’entrée de la forêt d’Orléans.

– Les abords des accès à Orléans, par voies routières ou fluviales et les anciens ponts sur la Loire, bloquant la navigation, avec les églises de Beaugency, porte de l’Orléanais, Marcilly-en-Villette, au sortir de la Sologne, Jargeau, et Donnery (Loiret ; 45), au sortir de la forêt d’Orléans.

Chaumont-sur-Tharonne (Loir-et-Cher ; 41), à mi-chemin entre Orléans et Romorantin, qui était un point fort d’avancement de la frontière du Berry sur l’ancien diocèse d’Orléans.

Exemples avec les frontières du Berry

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– Les églises de la frontière nord de l’ancien diocèse de Bourges, telles : Selles-sur-Cher (41), en Berry, Romorantin (41), dans l’Orléanais, Pierrefitte-sur-Sauldre (41) et de Brinon (18), dans l’Orléanais, de Clémont (18) et de Coullons (45), dans le Berry.

L'église Saint-Etienne de Brinon (Cher)

L’église Saint-Etienne de Brinon (Cher)

L’église Saint-Etienne de Brinon (Cher)

Photo Nicolas Huron

L'église Saint-Etienne de Clémont (Cher)

L’église Saint-Etienne de Clémont (Cher)

L’église Saint-Etienne de Clémont (Cher)

Photo Nicolas Huron

– Les sept églises de la frontières des quatre diocèses d’Orléans, de Bourges, de Sens et d’Auxerre : Coullons (45), Blancafort (18), Beaulieu-sur-Loire (45), Autry-le-Châtel (45), Briare (45), Gien (45), Lion-en-Sullias (45). Cette répartition nous montre qu’il y avait, dans cette zone, sur la Loire de considérables problèmes de respect de l’autorité par les autorités des péages elles-mêmes.

Sury-en-Vaux (18), non loin du point fort de Sancerre, près du grand méandre de la Loire et des mines de fer du nord du Berry.

Exemples avec le sud du Berry

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Le sud du Berry peut être étudié dans le détail, mais on peut déjà constater que c’est le relief et le caractère boisé du Boischaut et des abords de la Marche qui motiva une forte implantation des lieux de culte à saint Etienne, sans doute à cause des plus grandes difficultés de déplacements des autorités de contrôle. On perçoit la protection des anciennes voies romaines de Bourges à Nevers, avec les églises de Gron (18), de Savigny-en-Septaine (18), de Nérondes (18), de la Guerche-sur-l’Aubois (18) et de la Chapelle-Hugon (18). Ces deux dernières étant en frontière, derrière la frontière végétale qui domine la vallée de la Loire et celle de l’Allier et leur confluence.

Trouy (18), Dun-sur-Auron (18) et plus au sud Verneuil (18) sont situés sur des voies secondaires, entre des grandes voies de communication.

Bruère-Allichamps (18) , auprès du Cher et non loin de Saint-Amand-Montrond (18), à mi-chemin entre Bourges (18) et Montluçon (03).

Fontenay (36), entre Graçay et Levroux.

Brion (36), Déols (36), et Tendu sur la grande voie menant à Argenton-sur-Creuse, qui est également représenté.

Brives (36), pont de la voie romaine de Bourges à Déols, au sortir des forêts de Choeur et de Bommiers.

– La grande voie du sud du Berry est représentée avec le point fort de Châteaumeillant (18) et Neuvy-Saint-Sépulchre (36), de part et d’autre du point fort de la Châtre (36), Bouesse (36), avant Argenton-sur-Creuse (36), avec non loin Malicornay (36).

Cuzion (36) et Eguzon-Chantôme (36) de part et d’autre de Châteaubrun (36), chacun sur une des rives de la Creuse, en aval d’Argenton-sur-Creuse.

Le Blanc (36), un point fort sur la grande voie romaine reliant Poitiers à Argenton-sur-Creuse, dont la distance par rapport aux frontières avec la Touraine et le Poitou, rappelle Chinon, Betz-le-Château, Villeloin-Coulangé, et Beaugency.

Martizay (36) dans l’ancien diocèse de Bourges, en limite avec l’ancien diocèse de Tours, non loin du point fort d’Azay-le-Ferron, à mi-chemin entre les points forts du Blanc et de Châtillon-sur-Indre.

Paulnay (36) et Vendoeuvres (36) sur la route reliant Châtellerault à Déols.

Buzançais (36), sur la route reliant Tours à Montluçon, entre Châtillon-sur-Indre et Déols.

Une curieuse confirmation des abus

Ce constat d’une justice inique, mafieuse, à l’écart de l’autorité établie, semble être confirmée par une curiosité propre au culte de saint Etienne. Beaucoup de hameaux portent le nom de Saint-Etienne, mais en plus et à l’écart de l’église elle-même.

Les cas sont fréquents et cette particularité a été relevé dans l’ancien diocèse de Bourges par Jacques PERICARD dans sa thèse de doctorat (pages 430 à 435) sur des lieux de culte jugés très anciens : “Une première observation physique nous met sur la voie de l’ancienneté de leur église Saint-Etienne. A Argenton-sur-Creuse, Le Blanc, Bruère-Allichamps, Buzançais, Châteaumeillant, Dun-sur-Auron, Neuvy-Saint-Sépulchre, nous trouvons à chaque fois un hameau Saint-Etienne, à un ou deux kilomètres du bourg actuel”.

Nous pouvons faire les mêmes constats dans toute la Région Centre :

– Le hameau de Saint-Etienne à l’ouest du village de Clémont (18),

– Le hameau de Saint-Etienne au nord-est de Pierrefitte-sur-Sauldre (41),

– La Motte-Saint-Etienne, à Beaugency (45),

– etc.

Il semblerait que ces toponymes et les faits associés qui les ont créés soient en rapport avec les persécutions des Chrétiens avant l’officialisation de la religion chrétienne par l’Empire romain.

Les Saint-Etienne de surveillance : une indication kilométrique

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La répartition géographique des lieux de culte dédié à saint Etienne ou des lieux-dits portant ce nom, indique souvent une distance entre 7 kilomètres et 13 kilomètres, soit 3 à 5 lieues gauloises, distance pouvant se parcourir à cheval en une vingtaine de minutes, voire une demi-heure. Cette distance est aussi la distance de portée d’un son fort ou d’un signal visuel.

Nous pensons qu’il faut y constater une intention de réappropriation du fonctionnement économique par l’Empire romain, devenu chrétien au début du IVe siècle, après les troubles du IIIe siècle, et cela pour sa propre défense.

Cette réappropriation par une autorité légitime supérieure semble être une constante de tout le IVe siècle puisque la vie de saint Martin en atteste et que les défenses contre les Germains amèneront les villes intérieures, Tours, Orléans, Bourges, etc., à se munir de remparts à partir de la seconde moitié du IVe siècle, en remplacement des édifices de prestige de l’aristocratie romaine.

Les points de frontière particulièrement fréquentés ou d’utilité publique notable sont très représentés.

Une confirmation cartographique à l’échelle de la France

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Un constat saute aux yeux lorsque l’on observe la cartographie des toponymes Saint-Etienne en France. Une route se dessine, celle de Trèves, capitale de la Tétrarchie sous l’Empire romain  à la fin du IIIe siècle, surnommée la seconde Rome, une des villes de prédilection de l’empereur Constantin Ier, premier empereur chrétien de l’Empire romain.

Le régime politique de la Tétrarchie avait été mis en place par l’Empereur Dioclétien, à la fin du IIIe siècle pour faire face aux invasions barbares d’Orient, ici de la Germanie. 

Cette route, prise habituellement par les barbares germains, reprend la voie gauloise prise par les légions de Jules César entre Château-Landon, Dordives, et Sens. Elle va ensuite sur Troyes. Elle mène par Saint-Dizier à Nancy et Metz, puis à Trèves en Allemagne actuelle. C’était une route habituelle des invasions germaniques.

On  peut constater aussi sur la carte de France, le renforcement du contrôle de la vallée de la Seine et des côtes faisant face à la Bretagne (Angleterre actuelle).

Une observation attentive des toponymes Saint-Etienne de la moitié sud de la France semble confirmer nos constats. On y voit notamment :

– Un renforcement de la liaison entre la vallée du Cher et la vallée de la Dordogne.

– Un renforcement de la liaison entre les vallées de l’Allier et de la Loire d’une part et la vallée du Rhône, d’autre part, via le Puy-en-Velay, Pradelles et Alès…

– Un renforcement de la rive ouest du Rhône, des abords de Lyon, et de la vallée de la Saône.

– Un renforcement dans les environs de la région d’Agen, entre Bordeaux (33) et Toulouse (31).

– Un renforcement des abords de Castres (81) et des environs sud-ouest de Millau (Aveyron ; 12), connu pour ses ateliers gallo-romains.

– Un renforcement des voies d’accès aux abords de Nîmes (30), de Montpellier (34) et de Béziers (34).

– Un renforcement au nord de Toulon, dans la région de Brignoles (83).

– Un renforcement de la vallée de la Durance et de quelques cols alpins.

– Un renforcement au passage des Pyrénées au Pays Basque (64).

– Etc.

Allez plus loin…

par vous-mêmes ou sur ce blog, sur demande…

Les toponymes Saint-Etienne en France

Les toponymes Saint-Etienne en France

Les toponymes Saint-Etienne en France (liste des communes)

Carte Nicolas Huron

Les Saint-Etienne de Région Centre

Les noms de lieux, églises, chapelles, fermes, hameaux, villages, communes, fontaines, ruisseaux, etc., baptisés Saint-Etienne dans la région (voir article dédié).

Les églises, et quelques chapelles, Saint-Etienne en Région Centre

Les églises, et quelques chapelles, Saint-Etienne en Région Centre

Les églises, et quelques chapelles, Saint-Etienne en Région Centre (liste)

Carte Nicolas Huron

Les églises, et quelques chapelles, Saint-Etienne en Région Centre

Les églises, et quelques chapelles, Saint-Etienne en Région Centre

Les églises, et quelques chapelles, Saint-Etienne en Région Centre (liste)

Carte Nicolas Huron

Les toponymes Saint-Etienne en Région Centre

Les toponymes Saint-Etienne en Région Centre

Les toponymes Saint-Etienne en Région Centre (liste)

Carte Nicolas Huron

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