Votre “Bourg” est peut-être gaulois…

Le toponyme Bourg, présent dans un grand nombre de noms de lieux a généralement une origine médiévale, mais le mot est beaucoup plus ancien.

Le terme provient de la désignation à l’époque gallo-romaine d’un camp fortifié, burgus, souvent improprement traduit par la notion de château-fort qui est une construction de défense d’une autorité individuelle au Moyen Age (chevalier, seigneur, représentant du roi…). Les camps fortifiés romains ou gallo-romains étaient des constructions collectives au service de la puissance romaine, et tenues par des représentants assujettis à cette puissance : légionnaires, mercenaires étrangers, etc.

Colonne trajane

Colonne trajane

Détail d’un moulage de la colonne trajanne
By Cassius Ahenobarbus (Own work) [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

Ces bourgs romains étaient évidemment souvent placés sur des hauteurs défensives. Les toponymes “Haut-Bourg” sont souvent un rappel d’une telle fortification, généralement situées sur une frontière, un passage important, ou en protection d’une cité.

Donnons quelques exemples :
– Le Haut-Bourg à Villemoisan (Maine-et-Loire) est situé sur l’ancienne frontière séparant les Andes et les Namnetes.
– Le Haut-Bourg à Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire), situé sur le coteau de la Loire était sans doute une défense de la ville de Tours (voir article précédent).
– Le Haut-Bourg à Saint-Cyr-du-Gault et le Haut-Bourg de Saint-Amand-Longpré (Loir-et-Cher) étant tous les deux placés sur la frontière carnutes – turons.
Saint-Cyr-en-Bourg (Maine-et-Loire), situé au pied d’une hauteur (voir mon article géologique à ce sujet) où fut identifié un fort de frontières gauloises, transformé en camp romain de frontières antiques remarquablement situé entre les pays turon (Touraine), ande (Anjou) et pictave (Poitou).

Ces Bourgs étaient-ils romains ou gaulois ?

 Il faut ici introduire une racine linguistique bien plus ancienne, celle se rapportant à la déesse gauloise Bergusia dont le nom provient de la racine bergusia, bergona, bergo- qui désigne en langue gauloise un “mont”, une “hauteur”. Ainsi l’ancien nom de la ville de Bourgouin (département de l’Isère) était Bergusia, nom que l’on retrouve sous cette forme en Espagne selon le grec Ptolémée. C’est le nom d’une divinité attestée dans une inscription en langue latine découverte sur le col d’un vase en bronze à Alise-Sainte-Reine : « DEO VCVETI ET BERGVSIAE REMVS PRIMA FIL DONAVIT V S L M(ERITO », traduit par “Au dieu Ucuetis et à Bergusia, Remus, fils de Primus, à donné (ce vase). Il s’est acquitté de son voeu avec joie et à juste titre”.

Cette racine gauloise a donné les noms de lieux de Bergonna, Bergonne (Pas-de-Calais), Bergintrum, Entre-Monts, aujourd’hui Bourg-Saint-Maurice (département de la Savoie), Bergoiata, Burguitas, Bourg Saint-Andéol (département de l’Ardèche), Bergantinum, Berganty (Lot), les monts Berg et Bergoise (Ardèche), etc.

Ce mot gaulois est un dérivé de la racine indo-européenne bhergh, “haut, éminent” qui a donné le nom de la montagne dans plusieurs langues, notamment germaniques avec l’allemand Berg. Cette racine donna aussi le terme gaulois briga, qui signifie “colline, mont”, mais aussi “forteresse’’. Ce mot est identifiable dans les noms de lieux de Brie (Brie-Comte-Robert…) présents dans les Deux-Sèvres, la Seine-et-Marne, les Charentes, mais aussi les noms de lieux Broye ou Broyes (Seine-et-Loire, Marne, Oise…). Il est apparenté à burg, ou bourg, le fort. On le retrouve en grec avec purgos, “tour, fortification”, et en gothique, baurgs, “ville, citadelle”, etc.

Ainsi le mot Bourg de Saint-Cyr-en-Bourg (Maine-et-Loire), dont je fais actuellement l’étude, et qui a une origine romaine attestée, a peut-être même une origine plus ancienne encore, une origine gauloise… Le nom de l’ancien fort de frontière situé sur les hauteurs du plateau entre le bourg actuel de Saint-Cyr-en-Bourg et le coteau de Saumoussay surmontant la vallée du Thouet, était probablement “Bourg”, un nom très certainement datant de l’Antiquité gallo-romaine, et datant même peut-être de la période gauloise de l’Age du fer.

Pour aller plus loin, consultez : Xavier Delamarre : Dictionnaire de la langue gauloise, une approche linguistique du vieux-celtique continental, Paris, Editions Errance, 2003.

Ce qui est trompeur sur l’origine de ce nom commun “bourg” est qu’il désigne aujourd’hui une petite agglomération, un village, sans fortification particulière.

La notion de centre-bourg, née dans les années 70 et 80, fut créée suite à l’aménagement des centres des villages. Un bourg désigne donc aujourd’hui seulement un village ou un hameau.

La notion de faubourg, qu’il faut comprendre comme “faux bourg”, désignait au Moyen Age et à l’Epoque moderne, un quartier situé en dehors de l’enceinte urbaine, en dehors des remparts. Les rues du Faubourg untel ou les rues du Bourg Neuf sont légions.

J’espère que cet article vous aura plu.

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