Cet article est la réponse aux Vignettes-devinettes v5, v6 et v8, visibles en fin d’article, téléchargeables et partageables (impression, main à la main, courrier, courriel, etc.) pour faire mousser nos cultures.
Il est un extrait de l’étude de la commune de Saint-Cyr-en-Bourg à travers ses noms de lieux.
Pour aborder l’historique d’une commune à travers ses noms de lieux, il faut, bien sûr, s’occuper des sols des surfaces sur lesquelles se sont inscrits, pour les hommes, ces noms de lieux. La géologie (nature du sous-sol) et la géomorphologie (forme des paysages, des reliefs, de l’empreinte de l’eau, etc.) sont donc des points de départ indispensables.
Nous prenons ici l’exemple de la commune de Saint-Cyr-en-Bourg dans le département du Maine-et-Loire, non loin de Saumur, connue pour ses très anciennes carrières de Tuffeau qui ont notamment fourni les pierres de construction pour la ville de Cholet. L’historique de la commune de Saint-Cyr-en-Bourg, mais aussi son architecture, notamment troglodyte, son économie, etc., sont donc liés à cette exploitation de cette pierre de taille facile à travailler.
Le calcaire du Tuffeau a aussi apporté la viticulture dans la commune et cela sans doute dès l’époque gallo-romaine.
Le nom de Saint-Cyr-en-Bourg a toutes les caractéristiques d’un phrasé ancien (syn… sir… amb… bou… our) aux multiples formes orthographiques possibles et aux multiples sens phonétiques, voire de faune éthique (voir mes articles à ce sujet). Ce phrasé est lié à sa géologie et à sa localisation géographique.
Les éléments « -en-bourg » (en bout re…, ambe bourre…) contiennent le mot historiquement identifiable de « bourg » qui signifie en latin “forteresse”. Un grand fort romain y est attesté par la toponymie avec le Châtelier, sur son point haut, et bien d’autres noms de lieux locaux, tels la Muraille Blanche, le Haut Mur, les Gardes… (voir mon article à ce sujet).
Ce mot « bourg » est sans doute bien plus ancien, et fut probablement adopté, et d’emploi gaulois, à la suite de l’installation d’un habitat fortifié gaulois en ces lieux (article sur cette origine), habitat sans doute picte (Poitou), lors de la structuration et de la fixation des frontières des nations celtes, dites gauloises, envahisseurs esclavagistes, cavaliers des grandes plaines de l’Est (habitants des yourtes ou autres) venues d’Europe centrale, orientale, voire de peuples asiatiques, nomades ayant trouvé ici à se partager un bon gros gâteau sur les populations locales.
Ce point fort de frontières antiques s’est fixé sur une avancée haute de craie blanche, surmontée en son sommet de craie jaune du Turonien, et de petits morceaux de grès, souvent importés (anciens mégalithes détruits), en limite ouest de la forêt servant autrefois de frontière entre le Poitou, la Touraine et l’Anjou.
Sur le coteau de cette hauteur, surplombant la rivière du Thouet, on trouve le toponyme de la Barre, qui est un mot gaulois évoquant d’une hauteur, souvent fortifiée. Il semble que l’on peut y percevoir les traces d’une architecture gauloise (article sur cette question).
La vieille expression “-en-Bourg”, semble dans ce cas précis signifier “sous le bourg”, “devant le bourg”, ou moins probablement “dans le bourg”. Il s’agit d’une christianisation d’un nom lié à une hauteur géologique ayant servi de fort gallo-romain.
La chose est d’autant plus étonnante que l’hagiographie, c’est-à-dire l’histoire légendaire des saints chrétiens, associe la mort en martyr du jeune enfant saint Cyr, 5 ans, à un escalier en calcaire ou à un mur (voir mon article à ce sujet). Le jeune enfant, qui avait été fait prisonnier avec sa mère sainte Julitte sous la persécution de l’empereur Dioclétien, et qui avait échappé plusieurs fois à ses bourreaux, aurait proclamé haut et fort sa foi chrétien en courant au sein du tribunal de la ville de Tarse en Asie Mineure. Le juge, irrité par les cris du petit saint Cyr, prit alors l’enfant par les pieds et lui fracassa la tête sur un mur ou sur l’escalier, dans le tribunal même.
Église Saint-Cyr de Saint-Cyr-en-Bourg
Photo Nicolas Huron
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Saint-Cyr-en-Bourg a donc beaucoup à nous raconter sur la libération du joug esclavagiste romain en Anjou, par les chrétiens, à la fin de l’Antiquité. Les archéologues avaient d’ailleurs trouvé, sur la hauteur concernée, une enceinte romaine (Réf. : Michel Provost : Cartes archéologiques de la Gaules, Maine-et-Loire, page 37), présence institutionnelle militaire de la puissance de l’autorité de Rome, et, l’église Saint-Cyr, qui a donné son nom au bourg, a été construite sur son ancien cimetière gallo-romain, où une statue de Vénus y fut découverte par les archéologues (réf. idem). Vénus a pour symbole une colombe, oiseau évoquant la maternité et l’allaitement (on voit le rapport avec le culte de saint Cyr, jeune enfant, et sa mère sainte Julitte), et qui a la réputation mythique, par sa sensibilité, de faire le lien sacré entre le ciel et la terre, oiseau qui était aussi la nourriture de Jupiter. Un columbarium était, d’ailleurs, pendant l’Antiquité gallo-romaine, un lieu où étaient déposées les urnes funéraires des cendres des morts. La blanche colombe deviendra ensuite le symbole de l’Esprit Saint pour les chrétiens.
Toute une histoire…
Les églises Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte sont peu nombreuses. Il n’en existe que deux en Maine-et-Loire : Saint-Cyr-en-Bourg et l’église de Jarzé (actuelle commune de Jarzé-Villages) sur une ancienne grande voie romaine reliant Angers à Tours par le nord).
Dans le département voisin d’Indre-et-Loire, il est à remarquer que les deux églises de ce vocable semblent aussi associées à l’emplacement ancien d’une autorité romaine proche : la voie romaine à Chemillé-sur-Dême, à la frontière des trois provinces gauloises des Turons, des Carnutes et des Cénomans, comme à Saint-Cyr-en-Bourg qui était autrefois sur la frontière des trois provinces : Touraine, Poitou et Anjou. La seconde église Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte se trouve près de la capitale tourangelle, à l’arrivée des voies romaines du Mans et d’Angers, à Saint-Cyr-sur-Loire (non loin d’importantes ruines gallo-romaines présentes au château de Chatigny, dans la commune voisine de Fondettes).
Les églises placées sous le vocable de Saint-Cyr
Carte Nicolas Huron
En corps encore, et en cor, plus clair avec
la relecture nécessaire
des frontières antiques des esclavagistes…
Les frontières antiques et les églises placées sous le vocable de Saint-Cyr
en Région Centre Val de Loire et environs.
Carte Nicolas Huron
Les frontières antiques et les églises placées sous le vocable de Saint-Cyr
en Région Centre Val de Loire et environs (gros plan).
Carte Nicolas Huron
En Loir-et-Cher, où on trouve six églises Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte, on peut affirmer avec certitude que celle de Sargé-sur-Braye, sur la frontière entre les Carnutes et les Cénomans, et où existait, sur une grande voie romaine, une ville fortifiée dont les restes ont été découvertes par les archéologues (voir mon étude des toponymes de cette commune et voir mon étude-inventaire de son église Saint-Cyr), semble associée à la présence ancienne de l’autorité romaine. Il en est de même pour celle de La Ferté-Saint-Cyr, dont le nom rappelle une forteresse. Sont également situées sur d’anciennes frontières gallo-romaines, les localités de Saint-Cyr-du-Gault, au nord de la Loire, entre la Touraine et le pays chartrain, ancien pays des Carnutes, et de Monthou-sur-Cher, terroir viticole des coteaux du Cher, situé près de la frontière avec le Berry, près des ruines de Thésée-la-Romaine, sur la frontière entre la Touraine et l’ancien pays des Carnutes, peuple qui fut exterminé pendant la Guerre des Gaules. L’enquête peut être poursuivie, mais on distingue réellement une tendance probante.
Revoyez-en les cartes… ci-dessus !
Dans le département de l’Indre, seule l’église d’Issoudun fut placée sous le vocable de Saint-Cyr et il est à noter que Issoudun en langue gauloise signifie « la forteresse, ou ville fortifiée, d’en haut » (une analyse plus complète reste à faire). Le caractère karstique de la ville est à noter avec un calcaire en lits très caractéristique. Le terroir rayonnant d’Issoudun, encore visible, correspond à une disposition de gestion des terres typiquement gauloise, et non issue d’une centuriation romaine.
Revoyez-en les cartes… ci-dessus !
Un même cas de figure est aussi à noter dans le département du Cher où la seule église Saint-Cyr se trouve à Vesdun, dont le sens signifie « vieille forteresse, ou vieille ville fortifiée » (une analyse plus complète reste à faire), et dont l’église semble être au centre d’un enclos attestant une ancienne architecture gauloise circulaire décrite par Jules César dans La Guerre des Gaules. Le terme gaulois « dun » correspond au bas-latin « bourg » (voir mon article à ce sujet) et désigne le plus souvent une hauteur fortifiée.
Revoyez-en les cartes… ci-dessus !
Dans le département de la Vienne, nous n’avons trouvé qu’une église Saint-Cyr-et-Sainte-Juliette, celle de la commune de Saint-Cyr. Dans le département des Deux-Sèvres, nous n’avons trouvé que celle de la commune de Saint-Cyr-de-la-Lande.
Il est intéressant aussi de constater qu’en Région Centre, sur les quatre lieux dits « Haut Bourg » que nous avons inventoriés, deux sont liés à saint Cyr. On trouve ainsi un Haut-Bourg sur la commune de Saint-Cyr-sur-Loire et un autre sur la commune de Saint-Cyr-du-Gault. Le troisième se situe sur la frontière entre les Carnutes et les Turons à Saint-Amand-Longpré, non loin de Saint-Cyr-du-Gault, et que non loin de là, également sur la même frontière, on trouve sur l’ancienne paroisse de Fleuray (actuelle commune de Cangey), un Haut-Bourg, nom actuelle d’une ferme entourée d’anciens fossés quadrangulaires disproportionnés à l’exploitation agricole.
A Saint-Cyr-en-Bourg, l’ancien nom de la fortification romaine, placée sur le plateau isolé au-dessus de la vallée du Thouet, devait donc porter le nom de « Bourg », « burgus« , château fort en latin, mais d’un point de vue latin, c’est-à-dire romain et gallo-romain, le nom lui-même semblant bien plus ancien.
De la Préhistoire, en passant par l’Histoire,
expliquée par la géologie…
La connaissance des couches géologiques, et donc du relief, de la géomorphologie, permettent ainsi d’expliquer bien d’autres noms de lieux ou des pans de l’histoire locale. Cependant, les données qui nous sont actuellement fournies sont à traduire puisque la nature du sol n’est, le plus souvent, pas donnée sur les cartes géologiques françaises. Un sol référencé e6b, n’indique pas s’il s’agit de calcaire, de sable, d’argile, etc., mais seulement qu’il s’agit d’une couche géologique datant du Bartonien supérieur de l’Eocène moyen (vers – 40 millions d’années). Il faut donc une enquête documentaire supplémentaire, souvent auprès des viticulteurs, voire des exploitants de carrière, ou simplement auprès des agriculteurs, ou par un enquête de terrain pour connaître la nature de la roche concernée indiquée sur les cartes du BRGM (géologues de l’Etat).
Voici donc une tentative de traduction et d’explication de la géologie de la commune de Saint-Cyr-en-Bourg, réalisée notamment grâce aux documents portant sur l’exploitation des carrières voisines de Champigny.
Les couches géologiques
Sur la commune de Saint-Cyr-en-Bourg, toutes les roches sont sédimentaires. Elles sont le résultat d’une superposition de dépôts marins et lacustres lorsque le Bassin parisien était une mer, puis un lac.
La craie, qui forme la majeure partie de la roche sous-jacente, garde d’ailleurs encore les traces de fossiles de coquillages.
Cette craie repose en partie sur des sables et argiles plus ancien provenant de l’érosion du Massif armoricain. Ces sables et argiles sont affleurants dans le coin sud-ouest de la commune de Saint-Cyr-en-Bourg, dans la vallée de la Dive.
Au-dessus de la craie, à l’est, les graviers, les sables et les argiles des couches supérieures, beaucoup plus récents, sont des dépôts fluviatiles issus de l’érosion des roches du Massif armoricain.
Plus récents encore, les dépôts alluviaux du Thouet et de la Dive, formés de graviers, de sables et d’argiles sont le résultat de l’érosion des roches précédentes et des roches poitevines du Massif armoricain.
Schéma géologique du nord-ouest de la France
Le Bassin parisien avec Saint-Cyr-en-Bourg à sa marge
Schéma géologique des trois anciennes provinces.
Le sud-ouest du Bassin parisien avec Saint-Cyr-en-Bourg.
Carte géologique de la commune et des environs
et sa légende en gros plan :
Les sables et argiles du cénomanien
Issus de l’érosion de l’ancien massif montagneux, actuel Massif armoricain, ces sables et argiles du Cénomanien supérieur (entre – 96 et – 95 millions d’années) et du Cénomanien moyen (entre – 95 et – 93 millions d’années) ne sont présents sur la commune de Saint-Cyr-en-Bourg que dans le val du canal de la Dive près du pont de Saint-Just.
La craie tuffeau du Turonien inférieur
C’est un calcaire marin composé de coquillages agglomérés, une craie micacée ou sableuse à grain fin, de couleur blanche ou crème, parfois jaunâtre. C’est le fameux tuffeau d’Anjou et de Touraine. Ce dépôt s’est formé au Crétacé supérieur entre – 94 et – 92 millions d’années. C’est la roche la plus présente sur la commune. Elle occupe le coin sud-ouest, mais aussi le nord et l’est du bourg. Cette roche a été creusée par les hommes pour servir de carrières, cavités qui ont été transformées en habitations troglodytes, en champignonnières ou en caves.
La craie blanche du Turonien moyen
C’est un calcaire marin composé de coquillages agglomérés, une craie micacée, également appelé tuffeau d’Anjou et de Touraine. Ce dépôt s’est formé au Crétacé supérieur entre – 92 et – 90 millions d’années. Elle occupe une large langue allant du coteau de Saumoussay jusqu’aux limites de la forêt de Fontevrault à l’est de la commune. Cette roche a aussi été creusée par les hommes pour servir de carrières, cavités qui ont été transformées en habitations troglodytes ou en caves.
On trouve cette craie à une altitude située entre 50 et 65 mètres d’altitude.
La craie jaune du Turonien supérieur
A l’est de la commune, en lisière de la forêt de Fontevrault, on trouve une craie jaune. Cette craie jaune se trouve aussi sur la couche géologique haute des hauteurs du plateau situé entre Saumoussay et le bourg de Saint-Cyr-en-Bourg. C’est un calcaire lacustre composé de coquillages agglomérés, un tuffeau jaune. Ce dépôt s’est formé au Crétacé supérieur entre – 90 et – 89 millions d’années. On le trouve vers 65 mètres d’altitude.
Les grès et sables de l’Eocène
Au-dessus de cette craie jaune, se trouvent des sables et des grès (sables agglomérés) à spongiaires, et des grès et poudingues siliceux de l’Eocène moyen (vers – 41 millions d’années), que l’on trouve dans le coin sud-est et à l’extrême est de la commune de Saint-Cyr-en-Bourg.
Le calcaire de Champigny
On ne trouve pas ce calcaire sur la commune de Saint-Cyr-en-Bourg. Il est présent à Champigny. C’est un calcaire parfois silicifié qui est exploité pour produire des moellons ou des dallages. Il provient d’un dépôt de l’Eocène supérieur, du Bartonien supérieur, formé vers – 37 millions d’années.
Le limon des plateaux
Le plateau culminant de la commune, à une altitude de 103 mètres, à la pointe extrême est, a un sol composé de limon des plateaux. Ce sont des dépôts sédimentaires meubles continentaux, d’origine éolienne. Ils sont composés principalement de fins grains de quartz d’un taille d’environ de 20 microns.
Les alluvions anciennes
Ce sont des graviers, des sables et argiles datant du quaternaire ancien et des dernières glaciations de Riss (- 325 000 à – 130 000 ans), des alluvions anciennes des terrasses, et de Würm (- 115 000 à – 75 000 ans), et des alluvions anciennes de la vallée du Thouet et de ses affluents. Pendant ces temps géologiques, le Thouet et la Dive creusèrent leur lit, déposant ces alluvions. On les trouve au pied du coteau dans les bas de Saumoussay, en dehors de la commune, sur celles de Chacé et d’Artannes.
Les alluvions récentes
Ce sont des sables et argiles déposés récemment par le Thouet, la Dive et le ruisseau de la Bournée.
La géologie est la porte à bien des explications…
Allons plus loin… J’espère que cet article vous a plu et qu’il a été pour vous une heureuse découverte.
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N’hésitez pas, osez l’Histoire !
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